Impunité du président de la transition pour parjure sur la charte: les précisions du juriste Kalil Camara
Dans l’avant-projet de Constitution en vulgarisation, il est prévu une juridiction d’exception dénommée Cour Spéciale de justice de la République qui sera chargée de juger le président de la République, les membres du gouvernement et autres responsables des institutions républicaines pour des crimes ou délits commis dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Du point de vue juridique, la création légale de cette juridiction n’est pas une innovation comme le feraient croire certains propagandistes de l’avant-projet de Constitution.
En effet, les constitutions de 2010 et de 2020 prévoyaient également une juridiction spéciale avec les mêmes compétences que la Cour spécial de la République annoncée dans l’avant-projet. C’est la dénomination qui a changé. Si nous revenons à la constitution de 2010, il était énoncé aux articles 117 et suivants la Haute Cour de justice qui tire son origine dans une loi organique qui date de 1991. Il était de même pour celle de 2020. Ainsi, il faut retenir que la Cour spéciale de justice de la République annoncée dans l’avant-projet a les mêmes compétences, la même composition (sous réserve de la création d’un sénat), la même procédure que la Haute Cour de justice qui était dans les deux anciennes constitutions qui visaient les mêmes personnalités, notamment le président de la République et la hauts responsables de l’Etat, et les mêmes faits. Sauf que la Cour annoncée dans ces deux anciennes constitution n’ont pas vu le jour. Espérons que celle promise dans l’avant-projet sera mise en place.
Les président de la transition peut-il être poursuivis pour parjure devant la Cour spécial de justice de la République ?
En matière d’organisation judiciaire, une nouvelle juridiction créée peut avoir la compétence (aptitude) pour juger les faits commis avant sa création. A titre d’exemple, vous avez la CRIEF qui juge des anciens dirigeants pour des faits postérieurs à sa création. La Cour spéciale de justice de la République peut bien sûr juger demain ou après demain le président actuel pour les faits postérieurs à sa création.
Toutefois, sur les faits, il faut préciser que les lois ne sont faites que pour l’avenir. C’est-à-dire qu’une loi ne s’applique qu’aux faits postérieurs à sa commission.
Les articles 168 et suivants de l’avant-projet prévoit les faits pour lesquels le président de la République et autres responsables de l’Etat peuvent être poursuivis. Notamment il est indiqué que le président de la république peut être poursuivi en cas de haute trahison. Selon l’article 164, le président de la République commet la haute trahison, lorsqu’il:
-viole son serment,
– est reconnu auteur, coauteur ou complice de violations graves et caractérisées
des droits de l’homme;
– est reconnu auteur d’apologie du terrorisme, de la haine, de l’ethnocentrisme ou du régionalisme ;
– est reconnu responsable d’actes attentatoires au maintien d’un environnement sain, durable et favorable au développement ;
– est reconnu responsable d’actes attentatoires aux principes et valeurs énumérés à l’article 199 ;
– compromet les intérêts nationaux notamment en matière de gestion des
ressources naturelles ou des richesses nationales.
Sur la violation de serment susvisée, le président de la transition ne peut pas être poursuivi par la Cour spécial de la République pour avoir violé les dispositions de la charte lui interdisant la candidature aux élections. Bien qu’il ait violé son serment en se portant candidat, dans le régime juridique actuel, la violation de serment ne constitue ni un délit ni un crime. Ainsi, même s’il arrive qu’après l’adoption de la Constitution, la violation de serment est pénalisée, le président ne peut être condamné que s’il viole son serment à partir de cette incrimination.
Par ailleurs, le président de la transition peut être poursuivi et condamné par la Cour lorsque sa responsabilité est établie pour les crimes et délits prévus à l’article 164 de l’avant-projet de Constitution.
Kalil Camara, Juriste