Côte d’Ivoire: Alassane Ouattara, 83 ans, déclaré vainqueur de la présidentielle avec 89,77 % des voix
Le président sortant Alassane Ouattara, 83 ans, a été déclaré vainqueur de l’élection présidentielle ivoirienne avec 89,77 % des voix, selon les résultats provisoires annoncés lundi par la Commission électorale indépendante (CEI). Ce scrutin, marqué par une faible participation et l’exclusion des principaux rivaux politiques du président, ouvre la voie à un quatrième mandat consécutif à la tête du premier producteur mondial de cacao.
Le verdict des urnes était largement anticipé. Le président de la CEI, Ibrahime Coulibaly-Kuibiert, a proclamé les résultats lundi, faisant état d’une participation d’environ 50 %. Ce score écrasant place Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, loin devant ses quatre adversaires.
Jean-Louis Billon, ancien ministre du Commerce, arrive en deuxième position avec 3,09 % des suffrages. Il est suivi de Simone Gbagbo, ancienne Première dame, qui obtient 2,42 % des voix. Les autres candidats, Ahoua Don Mello et Henriette Lagou, recueillent respectivement 1,97 % et 1,15 %.
Dès dimanche, Jean-Louis Billon avait reconnu sa défaite, adressant sur les réseaux sociaux ses « félicitations républicaines » au président Ouattara.
La légitimité de cette victoire est toutefois contestée. Les deux figures de proue de l’opposition, l’ancien président Laurent Gbagbo et l’ex-PDG de Credit Suisse Tidjane Thiam, ont été écartées de la course présidentielle. Le premier a été invalidé en raison d’une condamnation pénale, et le second pour avoir acquis la nationalité française.
En réaction, leurs partis respectifs, réunis au sein du Front commun, ont dénoncé une « mascarade électorale » et un « coup d’État civil ». Le groupe d’opposition a exigé « l’organisation de nouvelles élections crédibles, transparentes, inclusives et strictement conformes à la Constitution » et a déclaré qu’il ne reconnaîtrait pas Ouattara comme un président légitimement élu.
Le débat sur la légitimité du scrutin est également alimenté par le taux d’abstention. Bien que la CEI ait annoncé une participation d’environ 50 %, ce chiffre masque d’importantes disparités régionales. Dans certaines zones, comme le département de Gagnoa ou la commune abidjanaise de Cocody, le taux de participation est tombé en dessous de 21 %. Cette faible mobilisation reflète, pour certains observateurs, la colère d’une partie de l’électorat face à la décision de M. Ouattara de briguer un quatrième mandat et à l’exclusion de ses principaux rivaux.
La question de la limitation des mandats présidentiels est au cœur des tensions. La Constitution ivoirienne limite normalement l’exercice présidentiel à deux mandats. Cependant, M. Ouattara fait valoir que l’adoption d’une nouvelle constitution en 2016 a remis à zéro son compteur de mandats. Cet argument juridique, avancé pour la première fois lors de l’élection de 2020, avait déjà été vivement contesté par l’opposition.
Sur le plan sécuritaire, le scrutin s’est globalement déroulé dans le calme, une nette amélioration par rapport aux violences qui avaient entaché les élections précédentes. En 2010, la crise post-électorale avait fait environ 3 000 morts. Cette année, seuls des incidents isolés ont été signalés dans environ 200 bureaux de vote sur l’ensemble du territoire.
Cependant, Alassane Ouattara entame ce nouveau mandat face à plusieurs défis de taille. Sur le plan économique, si la croissance est soutenue et les infrastructures se sont développées, les inégalités sociales restent criantes. Environ 37,5 % de la population vit toujours dans la pauvreté et les jeunes peinent à trouver des emplois. La Côte d’Ivoire est également confrontée à la menace d’une contagion de l’insécurité qui frappe ses voisins du Sahel, le Mali et le Burkina Faso.
La victoire d’Alassane Ouattara s’inscrit dans une tendance régionale de maintien au pouvoir de dirigeants vieillissants, à l’image du Camerounais Paul Biya (92 ans) ou de l’Ougandais Yoweri Museveni (81 ans). Pour de nombreux observateurs, ce quatrième mandat renforce la pratique du « verrouillage constitutionnel » et accentue le recul démocratique constaté en Afrique de l’Ouest.
La balle est maintenant dans le camp du Conseil constitutionnel, qui doit proclamer les résultats définitifs dans les prochains jours après avoir examiné d’éventuels recours. L’enjeu pour Alassane Ouattara sera désormais de rassembler une « nation profondément divisée » et de répondre aux attentes d’une population qui, pour beaucoup, n’a pas encore vu les retombées de la croissance économique.
Bah Mohamed
 
						
