Le Cameroun est plongé dans une crise post-électorale sans précédent après l’annonce des résultats de l’élection présidentielle du 12 octobre 2025. La Commission nationale de recensement des votes a déclaré Paul Biya, 92 ans, au pouvoir depuis 43 ans, vainqueur avec environ 54 % des suffrages. Cependant, son principal rival, Issa Tchiroma Bakary, 76 ans, conteste ces chiffres et revendique une victoire « écrasante » avec près de 60 % des voix.
Le processus électoral a été marqué par des allégations de fraude et des tensions croissantes. Dès le 14 octobre, Issa Tchiroma Bakary a défié le régime en place en se proclamant vainqueur dans une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux, appelant Paul Biya à « honorer la vérité des urnes ». Le ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, a riposté en qualifiant cette déclaration de « haute trahison » et en rappelant que seul le Conseil constitutionnel est habilité à proclamer les résultats.
Les chiffres avancés par la Commission nationale attribuent à Paul Biya 53,66 % à 55,66 % des voix, contre 35 % à 35,19 % pour Issa Tchiroma Bakary. Cependant, l’opposant s’appuie sur des procès-verbaux qu’il a rendus publics, bien que ces documents aient été critiqués pour des incohérences statistiques, comme des pourcentages dépassant 100 % dans certains départements. Le camp Tchiroma affirme que ces anomalies résultent de irrégularités commises durant le scrutin, telles que le bourrage d’urnes ou le vote multiple.
La contestation a débouché sur des mouvements de protestation dans plusieurs régions :
·À Douala, des manifestants ont tenté de prendre d’assaut l’antenne locale d’Elecam (l’organisme électoral), avant d’être dispersés par les forces de l’ordre.
· Dans l’Ouest, à Bafoussam et Dschang, des rassemblements ont dégénéré en violences. À Dschang, le palais de justice et des véhicules officiels ont été incendiés.
· À Garoua, fief de Tchiroma, un véhicule de la gendarmerie a été brûlé, et les forces de sécurité ont été déployées autour de la résidence du candidat.
Les autorités ont répondu par un dispositif répressif, avec des arrestations et l’interdiction des rassemblements publics.
Cette élection oppose deux visions du pouvoir : d’un côté, Paul Biya, doyen des chefs d’État en exercice, qui mise sur la légitimité institutionnelle ; de l’autre, Issa Tchiroma Bakary, ancien ministre rallié à l’opposition, qui incarne une promesse de changement. Le scrutin est perçu comme un test pour la démocratie camerounaise, dans un contexte où le régime est accusé de réprimer toute opposition.
Prochaines étapes
Le Conseil constitutionnel doit proclamer les résultats définitifs au plus tard le 26 octobre. En attendant, le pays retient son souffle. La communauté internationale suit de près les développements, craignant une escalade de la violence si le dialogue n’est pas engagé.
Épilogue : Le Cameroun se trouve à la croisée des chemins. Alors que Paul Biya pourrait entamer un huitième mandat, la rue manifeste son rejet d’un système perçu comme verrouillé. La suite dépendra de la capacité des acteurs politiques à apaiser les tensions et à respecter la volonté populaire.
Bah Mohamed