Projet de constitution: « Demain, certains parmi ceux qui rédigent la constitution actuelle pourraient encore contester cette constitution publiquement »
Sur invitation du président du CNT, des journalistes ont eu droit à une explication sommaire du contenu de la nouvelle constitution ce samedi, 28 juillet 2024. Le débat, tenu à huis clos et sans aucune caméra, a permis à Dr Dansa Kourouma d’expliquer plusieurs dispositions de cet avant-projet qui a été présenté ce lundi devant les Conseillers nationaux de la transition.
Invité de l’émission « Le Scanner ‘’ de Cavi médias ce lundi, Mamady Leno, juriste et activiste des droits de l’homme pour la bonne gouvernance, s’est prononcé sur ce projet de constitution. Dès l’entame, il a rappelé l’histoire des constitutions africaines.
« En Afrique, le débat porte souvent sur les questions de révision constitutionnelle, et ces révisions ne concernent généralement que la durée des mandats. En ce qui concerne la Guinée, il est clair qu’il n’y a pas eu d’évolution significative. Les politiques et les acteurs civils ne se sont pas inspirés des régimes passés. Depuis 1958 jusqu’à aujourd’hui, un débat de fond n’a jamais été réellement posé. Les préoccupations se sont uniquement focalisées sur la durée des mandats présidentiels et les méthodes pour accéder au pouvoir. Ces questions n’ont jamais été traitées de manière approfondie pour éviter les contestations quotidiennes. En 1958, le peuple de Guinée s’est exprimé contre le colon blanc pendant l’indépendance. Après l’indépendance, un nouveau régime politique dirigé par Ahmed Sékou Touré a été mis en place. Il y avait une constitution en place, mais le 10 novembre, le président Sékou Touré a modifié cette constitution pour en faire une constitution à l’image d’un parti État. Le pouvoir était alors concentré entre les mains d’un seul homme, le président Sékou Touré, qui détenait 90% des décisions du pays. Ce qui a conduit à une dictature.
La deuxième constitution, celle de Lansana Conté, a été modifiée en 2001 avec le concours des élites du pays, donnant naissance au Koudaïsm. Cette modification n’a pas été transparente avec le président, et a conduit à des revendications persistantes jusqu’à ce que la constitution soit balayée en 2008 par les militaires. En 2010, une nouvelle constitution a conduit le président Alpha Condé au pouvoir. Alpha Condé, en 2020, a modifié la constitution pour prolonger son mandat. Cette constitution a également été balayée en 2020 par les militaires actuellement au pouvoir. Aujourd’hui, nous nous dirigeons vers une nouvelle constitution. Quelle sera cette constitution tant attendue ? C’est la grande question que nous nous posons », a dit notre interlocuteur.
Sur la question de la nouvelle constitution, Mamady Leno s’est montré pessimiste.
« Mais, je suis très pessimiste. Pourquoi ? Parce qu’en suivant l’évolution de ce pays, on se rend compte qu’il n’y a pas d’espoir. Les acteurs politiques actuels et ceux au niveau du gouvernement semblent ne pas prendre en compte les questions du passé, les difficultés rencontrées par le pays. Il était important d’aborder ces questions. Pourquoi la transition politique est-elle toujours problématique en Guinée ? Pourquoi chaque transition nécessite-t-elle un coup d’État ou le décès d’un président ? Il est crucial de faire une étude approfondie pour éviter ces problèmes de transition. Demain, certains parmi ceux qui rédigent la constitution actuelle pourraient encore contester cette constitution publiquement.Tout le monde semble se concentrer uniquement sur la durée des mandats, ce qui n’est pas une bonne approche pour des pays comme la Guinée. Depuis 1958, nous avons connu de nombreuses révisions constitutionnelles qui n’ont jamais réellement apporté de solutions aux problèmes de la population elle-même », a-t-il indiqué.
Ibrahima Camara pour siaminfos.com
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