Aux motifs de la recrudescence de la délinquance et de la criminalité, du trafic de migrants et de la nécessité absolue de sauvegarder la paix et la sécurité publique dans le Grand Conakry, le procureur général près la Cour d’Appel du ressort a requis l’ensemble des forces de la police et de la gendarmerie à l’effet de procéder:
1- Au démantèlement de toutes les zones criminogènes dans le Grand Conakry;
2- Au contrôle et à la vérification de toutes «personnes suspectes»;
3-Au Contrôle et à la fouille de tout véhicule «suspect»;
4-A l’immobilisation de tout engin roulant «non-immatriculé»;
5- A l’interpellation et au défèrement devant les parquets d’instance compétents des personnes en conflit avec la loi.
Il est du devoir du juriste d’expliquer et d’apprécier les mesures sus indiquées. Expliquer, pour faire comprendre aux profanes de droit des concepts juridiques en en des termes accessibles à tous et surtout, aux forces réquisitionnées pour éviter l’abus dans l’application. Apprécier la décision du parquet général, nous amènera à nous intéresser à sa conformité à la loi.
En effet, conformément à l’article 41 du code de procédure pénale, le procureur général a, dans l’exercice de ses fonctions, le droit de requérir directement la force publique qui sont les forces de la police et de la gendarmerie à l’effet de procéder aux mesures sus mentionnées. Cependant, cette réquisition qui s’inscrit dans le cadre de recherches et de poursuites des infractions est strictement encadrée par la loi.
L’exigence de la loi tient à la précision des infractions faisant l’objet d’enquêtes et la détermination des lieux et la période de temps. Ainsi, le parquet doit préciser les infractions qui nécessitent les mesures annoncées, déterminer les lieux où elles doivent être appliquées et pour une période de temps. Or, il se trouve qu’en dehors des motifs indiqués ci-hauts, le procureur général près la Cour d’appel de Conakry ne détermine pas la période de temps. Jusqu’à quand les mesures vont s’appliquer? Aucune précision. Ce qui est contraire à l’esprit du code procédure pénale dans ses dispositions relatives à la recherche et à la poursuite des infractions, à la procédure de flagrance et aux enquêtes préliminaires.
Sur les mesures annoncées,
1- Démantèlement de toutes les zones criminogènes,
Cette mesure peut être source d’arrestation et de visite arbitraires dans les lieux privés. Qu’est-ce qu’une zone criminogène ? Aucune loi ne la définit. Le procureur devrait utiliser un terme juridique en lieu et place. Exemple : toutes les zones suspectes.
2- Contrôle et Vérification d’identité de «toutes personnes suspectes»,
Cette mesure est prévue à l’article 135 du code de procédure pénale qui dispose : « Toute personne se trouvant sur le territoire national doit accepter de se prêter à
un contrôle d’identité effectué dans les conditions et par les autorités de police judiciaire».
Contrairement à ce que nous avons l’habitude de voir dans notre État, le contrôle et la vérification d’identité ne peut être appliquée que dans circonstances particulières, comme cette réquisition du parquet. Toutefois, cette mesure ne peut concerner qu’une personne qui se trouve dans certaines situations indiquées à l’article 136 de la loi susvisée. Il s’agit d’une personne à l’égard de laquelle existe un indice faisant présumer, qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction, qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit, qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou délit, qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire.
Dès lors, il est important de comprendre que le contrôle et la vérification d’identité s’effectue sur la base d’un indice. Une personne qui ne présente aucun indice d’infraction ne devrait pas faire l’objet de cette mesure. D’ailleurs le procureur général l’a clairement mentionné « de toutes personnes suspectes ». Une personne suspecte est celle qui présente des raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou a tenté de commettre une infraction.
3- Contrôle et Fouille de tout véhicule «suspect »
Le véhicule est comme le domicile, le contenu ne peut être violé que dans des circonstances particulières et sur réquisition du parquet. Malheureusement chaque jour il y a des fouilles incessantes des véhicules des citoyens. Une atteinte grave à la liberté.
Il est également indiqué dans le communiqué du parquet de manière évidente :« de tout véhicule suspect ». La mesure ne concerne que des véhicules faisant présumer des infractions. Exemple : un véhicule non immatriculé.
4- L’immobilisation de tout véhicule non immatriculée,
La réponse se trouve dans la troisième mesure. Le défaut d’immatriculation d’un véhicule est une contravention (infraction) qui peut avoir un lien étroit avec d’autres infractions graves. Cette mesure peut s’appliquer à tout moment par des forces de la police ou de la gendarmerie, même sans réquisition du parquet.
5- L’interpellation et le deferement des personnes en conflit avec la loi
Dans l’application des mesures précédentes, les personnes trouvées avec des indices d’infractions doivent être présentées aux tribunaux compétents. Elles ne doivent pas faire l’objet de concussion, de détention arbitraire de la part des forces de la police et de la gendarmerie. Exemple : une personne trouvée avec un véhicule non immatriculée doit faire l’objet d’interpellation. Les agents ne doivent pas lui retirer l’argent pour la libérer. Source d’insécurité pour un État.
Dans la recherche et la poursuite des infractions, le procureur général peut prendre des mesures portant atteinte à la liberté des citoyens. Mais ces mesures doivent s’appliquer en conformité avec la loi et dans une période bien déterminée.
Kalil Camara, Juriste