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Bilan à mi-parcours, lutte contre le banditisme, les réformes au parquet: le procureur de Coyah dit tout à Siaminfos.com

Procureur près le Tribunal de Première Instance de Coyah depuis le 3 avril 2023, Almamy Sékou Camara a initié beaucoup de réformes au niveau du parquet de cette juridiction. Considéré hier comme une zone criminogène, le TPI de Coyah affiche un tout autre visage aujourd’hui. Un pari réussi, selon l’empereur des poursuites, grâce à la politique qu’il a mise en place dès son arrivée pour lutter efficacement contre le grand banditisme dans la préfecture.

Dans une interview exclusive accordée à notre rédaction ce mercredi, 18 octobre 2023, le procureur près le TPI de Coyah a révélé des détails sur les réformes opérées au niveau de son parquet depuis son arrivée.

Siaminfos.com : Dans quel état vous avez pris les rênes de ce tribunal ?

Almamy Camara : C’est à la date du 30 mars 2023 que j’ai été nommé par arrêté du ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Alphonse Charles Wright pour prendre les rênes du parquet de Coyah. Lorsque j’ai pris fonction à la date du 3 avril 2023, j’ai mis en place une politique pénale bien définie avec des stratégies dans le but d’éradiquer des fléaux qui gangrenaient cette ville carrefour où le banditisme battait son plein. Pour un premier temps, j’ai organisé une rencontre avec toutes les autorités communales et préfectorales de la ville et toutes les couches sociales (femmes, jeunes, sages ) à l’effet de connaître les difficultés et mettre en place les stratégies pour pouvoir mettre hors d’état de nuir ces grands bandits qui sévissaient à tout moment dans les domiciles des paisibles citoyens. Pour cela, j’ai eu à cibler certaines zones criminogènes, des nids de bandits, j’ai eu à mettre en place des équipes de patrouille mixte et régulière qui passaient dans les coins et recoins de Coyah et à tout moment à la recherche de ces infracteurs. Et cela a donné fruit dans quelques semaines. C’est cette politique que j’ai imposée à Coyah avec tolérance zéro. Moi-même, je monte à l’audience pour enseigner le bas peuple pour qu’il ait de la considération et la confiance en cette justice. Et là, il y a de l’affluence. Les justiciables ont compris qu’en cas de problème, y a des services indiqués auxquels on doit faire recours. Parce qu’avant les citoyens faisaient recours à d’autres services qui n’étaient pas compétents (présidents de districts, les chefs secteurs, les chefs de quartiers etc.) Ils ont vu que la politique pénale du présent parquet n’était pas à l’ordre pour jouer avec les règles procédurales et ces grands bandits. C’était de flétrir ces mauvaises et de traquer ces grands bandits jusqu’à à leur dernier retranchement pour les sanctionner à la hauteur de leurs forfaitures. Donc, les citoyens ont vraiment eu confiance en la justice de Coyah et c’est ce que nous avons fait montre à chaque fois qu’il y avait des audiences et que les débats se passaient dans la plus grande transparence, publiquement et contradictoirement. Alors, si quelqu’un est retenu dans les liens de la culpabilité des faits qu’on lui reprochait, on n’hésitait pas à requérir conformément au code pénal et au code de procédure pénale, c’est-à-dire sans état d’âme, zéro tolérance. Après cette phase, j’ai eu à faire une réunion avec les officiers de police judiciaire pour discuter des tenants et les aboutissants des enquêtes qu’ils mènent avant que les dossiers ne parviennent au parquet. On dit que le procureur est saisi des plaintes et dénonciations. Si tel est le cas, les officiers de police judiciaire également ont leur partition. Ils peuvent être saisis également des plaintes et dénonciations, mais la loi les oblige à informer sans délai le procureur de la République ou celui d’attache pour que ce dernier puisse surveiller parce que les activités de police judiciaire se passent sous la direction du procureur de leur ressort que je suis. Donc, lorsqu’ils sont informés d’une infraction à l’instant T même, ils sont dans l’obligation de m’informer pour leur donner la voie à suivre. Ainsi, la collaboration est saine, nette entre moi et les OPJ (officiers de police judiciaire, ndlr) de Coyah parce que c’est ce que je leur ai imposé : la transparence, la loyauté, le respect de la procédure, les délais de garde à vue, avec des contrôles ou des inspections inopinées qui ne finissaient pas à tout moment et nous continuons là-dessus. En tout cas, tout ce qui peut aider et militer en faveur d’un changement au sein du parquet de Coyah, j’ai pu vraiment imposer cela et mes substituts l’ont accueilli à bras ouverts et à cœur vaillant. Face à ces différentes procédures que nous gérons, notre politique pénale est sans faille.

Cela fait plusieurs mois maintenant que vous êtes à la tête de ce tribunal dont la réputation était la violence avant votre arrivée, dites-nous combien de dossiers vous êtes parvenu à gérer ?

Nous avons géré plusieurs dossiers parmi lesquels les infractions les plus récurrentes sont le stellionat, vols à main armée et viols. Mais aujourd’hui, nous sommes parvenus vraiment à faire diminuer de façon drastique ces différentes Infractions à travers les sanctions ou les peines que les couples écopent. Je tiens à préciser que c’est à cause de ces affaires criminelles que nous avons vécu ces derniers événements malheureux c’est-à-dire l’attaque de la maison d’arrêt et du palais de justice de Coyah. Parce qu’au moment où je venais, les affaires criminelles étaient arrêtées, beaucoup attendaient le jugement mais par manque de prison à Coyah à l’époque, les accusés ou les inculpés étaient éparpillés un peu partout à travers les autres prisons du pays. Donc quand je suis arrivé, ces affaires criminelles étaient sur la table, il fallait mobiliser les fonds pour pouvoir organiser ces audiences criminelles. J’avais mis tout en place en contactant certaines ONG des droits de l’homme, le département a été informé, les dossiers étaient préparés pour le jugement. On a mis en place un fonds pour pouvoir faire venir tous les détenus criminels à l’effet de commencer leur jugement. Ainsi, on est parvenus à les regrouper tous à la maison d’arrêt de Coyah, et cet événement malheureux (attaque contre la prison civile de Coyah, ndlr) dans la nuit du 22 au 23 juin 2023 est intervenu.

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Parmi tous ces dossiers passés au niveau de votre parquet, le ou lesquels ont retenu farouchement votre attention ?

Il y en a plusieurs mais surtout les cas de vol à main armée. Parce qu’au moment où je venais ici, ça tirait un peu partout. La nuit, tu as l’impression que tu étais dans une cité perdue où chacun faisait ce qu’il voulait, c’était la loi de la jungle. Les plus forts régnaient sur les plus faibles. C’est pour dire que ce sont les gens armés qui n’étaient nullement des militaires munis des PMAK, des calibres 12, qui intimidaient des citoyens. Donc, ça tirait à tout moment à Coyah pour s’accaparer des biens des gens par des personnes parfois à bord même des véhicules, cagoulés, c’était des cas fréquents. Pratiquement, depuis qu’il y a eu cette attaque de la prison, le ministre de la Justice avait ordonné à ce que tout soit arrêté et d’évacuer tous ces prisonniers dans les autres prisons du pays à savoir: Kindia, Boké, Fria, Dubréka et Conakry. La construction de la nouvelle maison d’arrêt est déjà lancée, la clôture est presque terminée, le travail évolue très bien, l’immeuble est en train de sortir de terre. Parmi les dossiers criminels qu’on a connus ici comme l’attaque du domicile du directeur préfectoral de l’habitat de Coyah, l’attaque des domiciles de plusieurs autres citoyens, y a aussi l’attaque d’une station à Gomboya et des boutiques à Coyah ville. Il y a eu aussi la découverte d’une quantité de faux billets dans une concession non loin du tribunal. Ce dossier là est confié à un pool de juges d’instruction de cette juridiction.

Parmi les juridictions du pays, aujourd’hui Coyah est une référence en matière de gestion de beaucoup de dossiers, dites-nous comment vous parvenez à gérer ces dossiers là, vous et vos deux substituts ?

Pratiquement, dans la semaine il y a beaucoup d’audiences correctionnelles parce que souvent les mardis et mercredis des fois même jeudis et vendredis étaient consacrés à ces affaires correctionnelles et criminelles. Donc, avec l’attaque de la prison, ça fait aujourd’hui que Coyah n’a pas de prison. Cependant, nous sommes en train de gérer les choses à notre manière avec les collaborateurs sous la surveillance de l’autorité de tutelle. Et quand les gens sont jugés, on les met tous dans les véhicules pour les amener soit à Kindia ou à Conakry pour purger leurs peines. C’est cette stratégie que mon parquet à mise en place pour ne pas qu’il ait vraiment des ratés parce que si les gens pensent aujourd’hui que la prison est attaquée et qu’on n’a pas de prison, ça va leur permettre de commettre des infractions, j’ai eu à réfléchir là-dessus et trouver une solution idoine. Aujourd’hui, Coyah fonctionne comme s’il y avait une prison. Il y a une collaboration entre moi et les officiers de police judiciaire.

Quelles sont vos relations avec le président du tribunal ?

Elles sont au beau fixe c’est-à-dire j’ai de très bons rapports avec le président du tribunal parce que vous comprendrez aujourd’hui que le tribunal de première instance de Coyah est animé par de jeunes magistrats qui sont physiquement aptes à travailler 24h/24. Des fois, je peux travailler de 8h à 20h, parce qu’aujourd’hui les gens ont confiance en la justice de Coyah. Du lundi à vendredi, il y a de l’affluence au tribunal parce que les gens ont cru en cette justice, tout le monde est traité au même pied d’égalité. Le respect de la procédure est là, le respect du délai de garde à vue, le respect du délai de gestion des dossiers et au cabinet d’instruction, et au parquet, et au siège, tout est respecté. Cela fait que les gens n’hésitent plus à venir au tribunal pour exposer leurs problèmes afin que des solutions idoines soient trouvées. Donc, la collaboration entre les magistrats de cette juridiction est bonne.

Pour accomplir une telle mission, y a souvent quelques petites difficultés à côté. Si elles existent, elles sont de quelle nature chez vous ?

Les difficultés que nous avons, c’est le manque d’infrastructures, le manque de personnel parce qu’au regard du volume d’affaires, notre juridiction a besoin d’au moins trois substituts de plus, trois juges du siège et deux juges d’instruction, deux greffiers et deux secrétaires. Y a aussi un manque de logistique. Et ce qui est salutaire, avec la volonté du Garde des Sceaux, ministre de la Justice, nous recevons notre budget de fonctionnement comme les autres juridictions du pays. Parce qu’il faut préciser que pour ce budget de fonctionnement, c’est une réforme aujourd’hui. Même s’il était alloué avant, les juridictions avaient du mal à décaisser.

Aujourd’hui, quelles sont les perspectives de votre parquet ?

Mon ambition, c’est de faire en sorte que mon parquet puisse faire montre d’efficacité comme il l’a toujours fait à travers nous qui l’animons. Que ce parquet soit vraiment un parquet responsable comme on l’a toujours fait, que ce parquet soit un parquet qui ne défend que les droits de l’homme, qui veille à l’application stricte de la loi, qui protège les citoyens et leurs biens. Et que ce parquet soit un exemple pour tous les autres parquets de ce pays parce que nous voulons tellement faire des innovations, que des moments viendront pour les gens, de se demander qu’est-ce que ce procureur a fait pour pouvoir maîtriser Coyah. Tous les citoyens se sont réjouis de mon arrivée à la tête de ce parquet parce que les autorités locales, les agents des forces de l’ordre et de sécurité, les sages, les femmes, les enfants, les jeunes nous renouvellent chaque jour leur confiance. Ils sont tous unanimes de l’ascension du tribunal de façon positive et qui est en train de donner l’exemple à d’autres parquets. Donc, dans les jours à venir, nous voulons que beaucoup de parquets se réfèrent ou prennent l’exemple sur nous, cherchent à nous imiter en faisant comme nous ou plus que nous. Nous comptons faire d’autres innovations, je ne dirai pas qui n’ont jamais existé mais qui vont vraiment émerveiller les citoyens.

 

Interview réalisée par Mohamed Bah et Mohamed Lamine Souaré pour Siaminfos.com

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