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Rapport accablant des États-Unis, sortie de Gaoul sur RFI, tueries sur l’axe : ce qu’en dit Mamadou Kaly Diallo de la Baïonnette Intelligente (interview)

Depuis le 5 septembre 2021, la Guinée reste engagée dans une transition conduite par le Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD). De plus en plus, de nombreuses organisations nationales et internationales dénoncent les violations des droits de l’homme dans le pays. Du rapport accablant des États-Unis à la sortie « polémique » du porte-parole du gouvernement guinéen sur RFI en passant par des tueries incessantes sur l’axe Leprince notamment, Mamadou Kaly Diallo, activiste des droits de l’homme et membre de la Baïonnette Intelligente a, dans une interview exclusive accordée à notre rédaction ce mercredi, 22 mars 2023, dressé un tableau sombre.

 

Siaminfos.com : Dans un récent rapport publié par le département d’État américain, Washington a épinglé l’État guinéen a qui, il reproche de graves violations des droits de l’homme, quelle est votre réaction ?

 

Mamadou Kaly Diallo : Ce qu’ils ont dit dans le rapport, c’est exact. C’est clair quand on est en Guinée aujourd’hui, on parle de détention arbitraire, de détention prolongée, c’est une évidence. Dans un État de droit, l’État peut reprocher à tout citoyen quelque chose de délictueux, mais il faudrait que cela obéisse à la forme et au fond, et dans les règles de l’art. Aujourd’hui, si vous prenez des activistes de la société civile tels que les Foniké Menguè, les Ibrahima Diallo et autres. C’est clair, leur détention maintenant tend à être une détention arbitraire. Tout citoyen peut être accusé d’un acte délictueux, et les normes sont couvertes par le principe de présomption d’innocence tant qu’il n’y a pas justice, mais il est du devoir de l’État de situer leur responsabilité dans un délai raisonnable.

 

Le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoul Diallo a affirmé sur les antennes de RFI qu’il n’a jamais été question d’interdire les manifestations de rue sur l’ensemble du territoire. Et, il a désavoué le ministre de l’Administration du Territoire qui a menacé de dissoudre les organisations de la société civile et les partis politiques, comment vous comprenez cela ?

 

C’est déplorable. Il faut d’abord déplorer ces déclarations contradictoires au sein du gouvernement. Deuxième aspect, tout le monde sait aujourd’hui qu’officiellement, ils ont interdit des manifestations de façon systématique sur l’ensemble du territoire. Je pense qu’il ne faut pas nier l’évidence. C’est clair que le non-respect de ces libertés fondamentales, le non-respect de l’exercice des droits de l’homme, constituent en soi une source de conflit et d’instabilité. Je pense que les autorités auraient mieux fait de reconnaître les erreurs et de chercher à apporter des solutions idoines pour l’intérêt général, pour qu’il y ait la paix, la stabilité, et pour plus de promotion et de protection de ces libertés-là, sans lesquelles, la paix, l’entente, la cohésion sociale, ne sont pas possibles.

 

Le 20 mars 2023, le Front national pour la défense de la Constitution dénonçait la mort par « balle » d’un jeune sur l’axe Leprince, complétant ainsi la liste des victimes à 17 sous le CNRD. Quelle est votre réaction ?

 

Je condamne la violence sur toutes ses formes, avec la dernière énergie. Que le citoyen lambda, que le citoyen tout court, que l’État s’abstiennent à toute forme de violence. Nous travaillons dans le cadre de l’amélioration des relations civilo-militaires, les principes de maintien d’ordre dans le respect des droits de l’homme, et puis la culture de la lutte contre la violence au sein des populations guinéennes, parce qu’il ne faut pas oublier, la société guinéenne est violentée. Cette violence est structurelle, conjoncturelle. Tous les régimes qui se sont succédé se sont illustrés dans la répression. La vie humaine est sacrée, le respect de la personne humaine et sa dignité, ce sont des principes qui sont sacrés.

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La charte qui sert aujourd’hui de norme supérieure, consacre cette sacralisation de la vie humaine, et elle stipule en son article 8 qu’aucune situation d’exception ou d’urgence ne doit justifier les violations des droits de l’homme. La Guinée est l’un des rares pays qui ratifie tout ce qui est instrument de promotion et de protection des droits de l’homme. Protocole additionnel de la CEDEAO, charte africaine des droits de l’homme, l’acte de constitution de l’Union Africaine, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, les traites de Rome, la déclaration universelle des droits de l’homme, les droits et les devoirs qui fondent les principes de la charte des Nations-Unies. Tous ces instruments-là protègent la vie humaine, la dignité humaine en tout lieu et en toute circonstance.

Aujourd’hui, l’usage excessif de la force pendant les manifestations sociales et politiques en Guinée, est une problématique réelle. On est parti jusqu’à même banaliser la vie humaine malgré les engagements pris par le colonel Mamadi Doumbouya le 5 septembre 2021. Je vous dis qu’on a trop violé la Guinée, il lui faut faire maintenant l’amour. Aucun citoyen ne doit tomber désormais suite au principe de maintien d’ordre. Donc, la liberté de réunion, de manifestation, l’expression de la liberté d’opinion, les autorités doivent tout faire pour diligenter des enquêtes sérieuses, indépendantes, voire mettre une commission d’enquête indépendante à cet effet, pour pouvoir identifier tous les présumés auteurs de ces violations répétitives et massives, les traduire devant les tribunaux, en toute indépendance et en toute impartialité, pour qu’on mette fin à cette spirale de violences, mais aussi lutter contre l’impunité et instaurer une société juste, qui pourrait être propice au développement social et économique.

 

En matière de respect des droits de l’homme en Guinée, le pouvoir actuel fait-il mieux que le régime précédent ?

 

C’est difficile de comparer en matière des droits de l’homme de telle façon. Vous pouvez travailler de longues années, vous vous couchez, un soir vous vous réveillez le matin, vous voyez que tous les acquis sont remis en cause. Tout comme de violations pendant de longues années, d’un seul coup à travers l’application d’une loi qui est promulguée, arrive à mettre fin. Aujourd’hui, nous sommes à l’interdiction systématique des manifestations sur les voies publiques, c’est une violation grave. D’autant plus que je venais de rappeler tous ces instruments-là. Aujourd’hui, on avait l’espoir que tous ceux qui tombaient dans les manifestations sociales et politiques, la spirale ne s’estompait, mais que tous les présumés auteurs allaient être traduits. Actuellement, le premier cas, le citoyen en l’occurrence Thierno Mamadou, tombé suite à l’augmentation du prix du carburant le début du mois de juin de cette année-là, le procès est en cours. Or, les années antérieures, plus d’une dizaine d’années, nous étions en train de dénoncer. Les détentions prolongées que l’on dénonçait sont là aujourd’hui.

 

Interview réalisée par Mohamed Lamine Souaré pour siaminfos.com

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