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JEUNESSE GUINÉENNE: UNE MINE D’OR INEXPLOITÉE (Ibrahima CAMARA)

Les jeunes de 15 à 25 ans représentent environ 19 % de la population. Les défis auxquels cette population est confrontée, ainsi que leurs conséquences sur le plan social et économique, sont nombreux. Le constat est difficile.

Le taux de chômage des jeunes de 15 à 24 ans atteint 64 %, avec un taux de sous-emploi global de 58 %. En milieu urbain, ce taux de chômage s’élève même à 71,4 %, soulignant une situation particulièrement critique dans les zones urbaines où les opportunités économiques devraient être plus nombreuses. La persistance de ces taux élevés de chômage et de sous-emploi démontre une inadéquation entre les compétences des jeunes et les besoins du marché du travail, ainsi qu’un manque d’opportunités d’emploi.

Le taux de scolarisation au préscolaire est de 78 %, mais seulement 31 % des filles et 41 % des garçons atteignent le secondaire. Le faible taux de scolarisation au niveau secondaire souligne des lacunes dans le système éducatif, qui n’arrive pas à maintenir les jeunes dans le cycle scolaire, réduisant ainsi leurs perspectives d’emploi futures.

De ce qui précède, il est évident que les jeunes Guinéens sont loin de l’emploi. Il faut donc agir. Je sais qu’il est possible de faire quelque chose. J’ai vu des initiatives porter leurs fruits, que ce soit des initiatives publiques ou privées. Il ne s’agit pas ici de blâmer qui que ce soit, mais d’ouvrir une réflexion et surtout d’apporter une contribution. La solution ne se trouve certainement pas dans un quelconque remède miracle mais dans l’implication de tous.

Que faire ?

1. FAIRE DE L’INSERTION PROFESSIONNELLE UNE PRIORITÉ NATIONALE

Dit comme ça, cela semble un peu vague. Mais faire d’une cause une priorité, c’est diriger vers cette cause tous les efforts possibles. En ce qui concerne l’insertion professionnelle des jeunes en Guinée, cela ne semble pas être le cas. Pour en faire une priorité, il faut commencer par centraliser la responsabilité de l’insertion professionnelle des jeunes. Il s’agit de créer une entité unique spécialisée en la matière avec des compétences transversales, capable d’activer tous les leviers indispensables à l’insertion professionnelle des jeunes. Concrètement, comment faire ? Cette entité doit avoir la capacité de suggérer des réformes législatives et les pousser auprès des institutions en charge. Elle doit être en mesure d’agir de concert avec les ministères pour promouvoir des initiatives positives. Elle devra également être capable d’identifier toutes les initiatives menées sur l’ensemble du territoire qui ont des résultats positifs. Le but est de soutenir ces initiatives et d’encourager leur passage à une échelle supérieure. Cette institution doit dépendre de la présidence de la République et doit avoir un réel pouvoir pour appuyer les initiatives en matière d’insertion professionnelle.

Le financement d’une telle institution est important. En plus des initiatives à encourager, notamment les actions prises par d’autres départements et institutions, cette institution doit disposer de fonds directs du gouvernement. Il s’agit d’une priorité nationale qui nécessite un investissement direct du pays.

2. DRAINER LES INVESTISSEMENTS VERS L’INSERTION PROFESSIONNELLE DE LA JEUNESSE

Une priorité nationale requiert l’effort et l’engagement de tous. Ainsi, le gouvernement doit mettre en place tout ce qui est possible pour faciliter l’insertion professionnelle des jeunes. Pour cela, l’argent est nécessaire. Mais forcément, le gouvernement ne dispose pas de tous les fonds nécessaires pour ce faire. Cependant, il dispose de leviers forts.

Je vais évoquer ici quelques pistes clés. Il faut impliquer les entreprises en proposant des facilités fiscales concernant l’insertion des jeunes. Ce peut être le cofinancement ou la possibilité de déduire des impôts (avec des limites) le coût des programmes d’insertion professionnelle, de formation ou de stage. C’est développer des outils de gestion, d’accompagnement et de coaching des jeunes et les mettre à disposition des entreprises. J’ai vu énormément d’entreprises réticentes à intégrer des jeunes car elles ne savaient pas comment faire. C’est autant de pertes de chance. C’est la relance des programmes de volontariat pour les jeunes, qui permettent d’acquérir une première expérience pour mettre un peu le pied à l’étrier. C’est la défiscalisation de toutes les initiatives entrepreneuriales destinées à la formation, à l’importation de matériel didactique, et il en va de même pour les initiatives à but non lucratif.

Le financement est clé. Il doit être massif et d’une ampleur sans précédent. Tout le monde connaît ce que certains parents payent dans le privé pour la formation de leurs enfants. Extrapolez ces sommes sur le nombre de jeunes de 15 à 25 ans uniquement. Les chiffres donnent le vertige. C’est un domaine dans lequel les parents ne comptent pas. L’État doit en faire de même, mais de façon coordonnée. Les erreurs et les accidents sont inévitables, mais c’est pour notre jeunesse, notre avenir, et cela n’a pas de prix.

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3.RENFORCER LE LIEN ENTRE LE MONDE DU TRAVAIL ET LE MONDE DE LA FORMATION

Ceci est une exigence qui revient souvent. Mais peu la mettent réellement en pratique. Je pense que c’est par faute de savoir s’y prendre que par manque de volonté. Ces deux mondes ne se connaissent pas. J’ai personnellement pratiqué ces deux mondes. J’ai rarement vu des études produites par les universités guinéennes sur l’économie nationale, sur la connaissance des entreprises et de leur mode de fonctionnement. Je vois de moins en moins de cadres qui ont enseigné ou qui enseignent encore. Dans tous les cas, je ne connais aucun mécanisme, forum, lieu de discussion et de partage entre le monde académique et le monde professionnel. Les actions pratiques de liaison entre les organisations patronales, les organisations professionnelles d’enseignants comme les syndicats ne sont pas légion.

Bon, après tout ce constat, que faire ? La litanie précédente laisse deviner un peu les mesures à prendre mais il y a quelques mesures spécifiques à prendre pour faire en sorte que le monde professionnel et académique commencent à se parler.

La première des choses est un investissement colossal. Cet investissement doit aller dans la formation des formateurs du monde académique en y intégrant une connaissance de l’entreprise. Il faut financer la participation des cadres du secteur privé à la formation académique. Il y a quelques années, je faisais appel à des professeurs des centres de formation professionnelle pour mes projets de formation en entreprises. J’avais l’embarras du choix. J’en trouve de moins en moins. C’est la subvention d’heures de cours dans les universités, centres de formation et autres écoles. Il faut encourager la création d’organisations communes comme des associations et faciliter le dialogue entre les organisations patronales et académiques. Il faut encourager les commandes des entreprises aux institutions académiques (études, sondages, études de marché, formation, etc.). C’est en se frottant au monde de l’entreprise que les institutions académiques se familiarisent avec leurs réalités et vice versa.

C’est uniquement ainsi que ces deux mondes peuvent trouver des solutions communes pour faciliter la formation et l’insertion professionnelle des jeunes. Ces deux mondes vont ainsi collaborer plus facilement pour faciliter l’émergence de solutions communes pour faciliter l’insertion des jeunes.

4. MISE EN PLACE DE PARCOURS D’EXCELLENCE

Un système qui n’encourage pas et néglige l’excellence est un système qui maltraite. Quand l’effort n’est pas récompensé, on cause l’abandon et le découragement. C’est l’excellence qui tire le système vers le haut. C’est vers l’excellence que doivent tendre les regards. L’excellence doit être récompensée. Il faut systématiquement identifier les élèves bosseurs (sans oublier les autres), les accompagner, les prendre en charge, les pousser à aller plus loin. Il faut réhabiliter le système des bourses d’excellence à tous les niveaux pour sécuriser le parcours de ces génies.

C’est l’excellence qui permet les sauts, les bonds en avant. Le monde change, on a besoin de cerveaux pour faire face aux défis à venir et dans tous les domaines. On doit avoir une jeunesse à la pointe pour assurer l’avenir du pays.

Je sais que la problématique de l’insertion professionnelle des jeunes est complexe. Mais ne rien faire serait la pire des choses. Beaucoup d’autres mesures sont possibles. Mais j’ai évoqué ici celles qui me semblaient urgentes et pouvant avoir un impact certain. Nous devons agir pour juguler certains phénomènes comme le fait migratoire (entre 2017 et 2022, 40 000 Guinéens étaient en situation administrative irrégulière en Europe). De tout temps, la jeunesse voyage, s’en va chercher un avenir meilleur. Mais nous devons également faire en sorte que notre jeunesse aime aussi à rester au pays. Il s’agit de donner espoir, de redonner foi au pays. La Guinée est un beau pays, à nous de faire en sorte que nos enfants l’aiment.

Ibrahima CAMARA, Spécialiste en assistance aux entreprises, organisations publiques et privées dans les domaines juridique, fiscal, social, marketing, communication.

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