La criminalité bat son plein ces derniers temps en Guinée. Des cas d’assassinat, de kidnappings, de viol entre autres sont devenus récurrents. Quelle explication sociologique pouvons-nous donner à cette réalité ? Une question que Djiba Koulako Traoré, Sociologue et enseignant chercheur a tenté de répondre, lors d’une interview avec notre rédaction ce lundi, 24 mars 2025.
Il s’agit des faits de société qui inquiètent et qui interpellent les citoyens de toutes les couches en Guinée. Pas plus tard que la semaine dernière, un homme a poignardé à mort sa fiancée dans la région de Kankan. Au terme de la même semaine, un médecin, le coordinateur du projet « Notre santé » a été retrouvé égorgé à son domicile, à Friguiadi dans la commune de Coyah. D’autres cas similaires se produisent chaque semaine à travers le pays. Selon le sociologue Traoré, plusieurs causes peuvent déterminer cet état de fait, notamment le rejet des Institutions de contrôle social.
« La criminalité est un phénomène social.
C’est inhérent à la vie et à l’histoire de la société. Mais si l’on observe aujourd’hui en Guinée des cas d’homicides volontaires, d’homicides involontaires, de meurtres, de viols, d’enlèvements, tous ces phénomènes sont devenus récurrents dans notre pays. Je pense que les causes sont diverses. Tout d’abord, il y a ce que nous appelons les institutions de contrôle social, à savoir: la police, le commissariat, la justice, l’environnement et même les parents. Il y a le rejet des institutions de contrôle social », a-t-il expliqué d’entrée, tout en ajoutant l’influence des nouvelles technologies.
« Deuxièmement, il y a ce que l’on appelle l’influence des nouvelles technologies, de l’information, de la communication, l’Internet, la télévision, qui conduit certains enfants à adopter des comportements mimétiques. Le mimétisme consiste à adopter le comportement des autres, à se comparer aux autres. C’est pourquoi ces cas sont devenus récurrents aujourd’hui« , a-t-il fait savoir.
Le sociologue parle aussi de la consommation abusive des stupéfiants qui, selon lui, peut pousser les auteurs de ces crimes au bout.
« On peut aussi parler de l’accès aux stupéfiants, aux drogues, et aussi aux produits énergétiques, sans proférer d’anathème de tel ou tel produit. Mais les produits énergétiques et les aphrodisiaques vendus comme des cacahuètes sur le marché aujourd’hui, et que les gens consomment, créent souvent des troubles psychologiques incontrôlables », a-t-il ajouté.
Face à cette situation, quelle alternative pour pallier le phénomène de criminalité en Guinée ?
« Chacun, dans sa sphère sociale ou politique, doit jouer son rôle. Par exemple, c’est au gouvernement de contrôler. À un moment donné à la télévision, j’ai déclaré qu’il fallait restreindre l’accès à Internet. Il fallait restreindre l’accès à tous les films pornographiques et autres, notamment aux personnes peu matures. Concernant l’accès aux drogues et à tout ce qui est abrutissant, l’Etat devrait s’efforcer de rendre cet accès vraiment difficile. Parce qu’il est difficile de commettre certains crimes si nous sommes réellement dans notre état normal. Si nous en avons la capacité intellectuelle, il est difficile d’adopter certains comportements. C’est très difficile. Il y a aussi les parents. Je constate une certaine résignation de leur part. Avant, l’enfant était éduqué non seulement par ses parents, mais aussi par son environnement.
Mais aujourd’hui, malheureusement, l’enfant n’appartient qu’à ses parents. De plus, dans certaines situations précaires, ils n’ont pas le temps de s’occuper de leurs enfants, de leur prodiguer des conseils en matière d’éducation sexuelle et de vie en société. Ils doivent donc jouer leur rôle. A la justice: ceux qui commettent ce crime, doivent être punis avec sincérité. Il ne devrait pas y avoir de récidive. Prenons l’exemple de Kankan. Le monsieur qui est un psychopathe, car je le qualifierais de psychopathe, qui souffrait d’un problème psychosocial. Ils sont allés au commissariat une fois, mais ils n’ont pas mesuré l’ampleur réelle du danger. Et finalement, nous sommes arrivés à l’irréparable.
La justice doit également jouer son rôle. Et vous, les médias, avez également un rôle important à jouer. Vous devez, sur vos radios, sites web et autres, proposer des programmes, des pages d’informations, des actions de sensibilisation et d’éducation, afin que les populations soient conscientes des dangers auxquels elles sont confrontées face à ces différents phénomènes.
Ainsi, chacun, en ce qui le concerne, que ce soit l’État par l’intermédiaire du Ministère de la Sécurité, du Ministère de la Justice, et même du Ministère de l’Éducation nationale, peut jouer son rôle, que les parents jouent le sien, et que l’environnement, la société, puissent également jouer leur rôle. Je pense que si cette synergie existe, nous pouvons minimiser les dégâts », préconise cet enseignant chercheur.
Cheick Fantamadi pour Siaminfos.com
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