Libération de Foniké et cie, exil de Koundouno, la justice sous CNRD : ces « vérités crues » du responsable des opérations du FNDC
Foniké Menguè, Ibrahima Diallo et Billo Bah, tous des leaders du Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), ont été libérés récemment après plusieurs mois passés en prison. Cette libération a été obtenue grâce à l’implication des leaders religieux, suite à la médiation entamée entre la junte guinéenne et les Forces Vives de Guinée (FVG). Une libération qui, il faut le rappeler, a fait couler beaucoup d’encre et de salive au sein de l’opinion.
Interrogé ce mercredi, 31 mai 2023, le responsable des opérations du FNDC a fait savoir qu’ils savaient qu’ils allaient être arrêtés tôt ou tard : « On s’attendait pas à rester en prison aussi longtemps, on s’attendait que la procédure soit respectée, qu’on soit jugés au moins même s’il y a une parodie de justice. Mais, on s’attendait quand même à être arrêtés, parce qu’on avait un choix. Soit il fallait quitter le pays, fuir la lutte ou alors rester avec toutes les conséquences y afférentes pour faire face à la situation. Donc, on a décidé de rester, faire face à la situation. Nos amis qui n’étaient pas en Guinée notamment Sékou Koundouno, on a décidé qu’ils restent parce qu’on avait compris qu’on allait pas échapper à la prison. Donc, pour ne pas que toutes les voix soient éteintes et que la coordination soit décapitée, nous avons jugé nécessaire qu’ils restent à l’international à animer la dynamique avec les amis qui sont sur le terrain, qui ne sont pas médiatiquement exposés », a-t-il martelé.
A en croire Ibrahima Diallo, la justice guinéenne bat de l’aile aujourd’hui sous le Comité national de rassemblement pour le développement (CNRD). Il ne s’est même gêné de donner un cours de droit aux autorités judiciaires : « Aujourd’hui, l’appareil judiciaire souffre de la violation de la loi. Il souffre de sa politisation à outrance. Le droit élémentaire pour un détenu quand il est arrêté, c’est le droit à un procès juste et équitable. Mais ça n’a pas été le cas. Si ça n’a pas été le cas, ceux qui nous ont arrêtés savaient qu’on est innocents et qu’on était juste pris en otage pour espérer la tranquillité, la stabilité et mettre en œuvre leurs programmes. En matière pénale, il faut trois éléments constitutifs. Il y a l’élément légal, quand on doit parler de l’existence d’une infraction, il faudrait qu’elle soit prévue par un texte. Il y a l’élément matériel aussi, c’est-à-dire le lien de la causalité, il faut qu’il ait un comportement qui aboutit à un résultat. Il y a l’élément moral en troisième position, il faut que l’auteur commette cette infraction avec intention ou par négligence. Donc, c’est la réunion de ces trois éléments qui forment une infraction. Dans notre dossier, il y avait absolument rien. La décision du juge d’instruction a été quand même courageuse en abandonnant toutes les charges criminelles, mais en retenant juste quelques infractions qui sont de nature contraventionnelles. Même s’il y avait un procès et qu’il y avait parodie de justice et qu’on était condamnés, la condamnation n’allait même pas dépasser six mois. Donc, ça veut dire qu’on n’était pas en détention légalement, nous étions en détention prolongée illégalement, mais aussi comme des otages », a-t-il dénoncé.
L’autre fait commenté par l’acteur de la société civile guinéenne, est celui relatif à l’apport des leaders religieux dans leur libération. Sans passer par le dos de la cuillère encore moins se voiler la face, Ibrahima Diallo est revenu sur les coulisses de cette libération : « Il faut saluer la démarche des religieux dans le cadre des bons offices pour un dialogue sincère avec le CNRD. Quand les religieux ont décidé de nous rencontrer, on a été informés par l’administration pénitentiaire, nous avons donné notre accord. Ils sont venus, accompagnés du ministre de la Justice, qu’on ne souhaitait pas rencontrer, parce qu’on ne peut pas être dans l’inégalité et continuer à parler ou bien à recevoir quelqu’un que nous pensons être derrière cette situation dans laquelle nous sommes. Mais, il n’y pas eu d’obstacle à cela. Nous avons échangé, ils sont venus avec la bonne foi, en toute honnêteté, en toute franchise pour nous transmettre le message du gouvernement, pas le leur. Ils nous ont informés que le gouvernement a accepté de nous libérer sous condition et sous contrôle judiciaire. Que vraiment de notre côté, on doit s’engager à ne pas poser des actes de nature à compromettre la transition, notamment les manifestations. Les religieux nous ont fait savoir qu’ils ne peuvent pas répondre à cette contrepartie là. Notre réponse n’a pas tardé, on leur a dit qu’on ne peut pas accepter une condition pour notre libération, que nous demandons un procès juste et équitable. Nous avons conseillé aux religieux de ne pas être porteurs de tous les messages parce que nous les respectons beaucoup et nous voulons que les citoyens continuent à les respecter, à les grandir. Donc, ça n’a pas marché ce jour, on a dit que soit on organise notre procès ou alors on nous libère tel qu’on nous a arrêtés. Du coup, le lendemain, dans la soirée, le directeur de l’administration pénitentiaire est venu nous chercher vers 21h. Il nous a dit qu’il est porteur d’une décision de son chef qui est le procureur général près la Cour d’appel de Conakry, pour procéder à notre libération. Nous lui avons posé la question de savoir s’il s’agissait d’une libération tout court ou conditionnelle. Il nous a dit qu’il n’a aucun document qui dit qu’on est libérés provisoirement », a-t-il fait savoir.
Bien qu’étant libres aujourd’hui, Ibrahima Diallo et ses compagnons de lutte réclament toujours la tenue de leur procès. Par ailleurs, les conditions dans lesquelles ils ont été libérés ont suscité de vives critiques au sein de l’opinion. Si d’un côté le ministre de la Justice dit à qui veut l’entendre que Foniké Menguè sont sous contrôle judiciaire, Ibrahima Diallo fait savoir que tel n’est pas le cas « On est libérés comme on a été arrêtés, nous ne sommes pas sous contrôle judiciaire, pas de restrictions, pas de contraintes. Je viens de Labé où je suis allé saluer la famille, on ne nous a pas imposé des restrictions, nos passeports ne sont pas confisqués. Et demain, je suis conférencier à un forum sur la restriction des libertés de manifestations à Niamey, au Niger. Donc, on verra bien à l’aéroport comment ça va se passer », a-t-il laissé entendre sur FIM FM.
Mohamed Lamine Souaré pour Siaminfos.com