On ne tire des obus sur un animal dans une poudrière.
Au nom de restauration de l’ordre constitutionnel au Niger, la CEDEAO n’écarte pas l’option militaire en s’inscrivant dans une logique de pensée stratégique selon laquelle, la guerre est une continuation de la diplomatie par d’autres moyens.
Mais la CEDEAO a-t-elle des moyens pour faire la guerre ?
Il faut rappeler que la CEDEAO ne dispose pas d’une armée. Elle utilise l’armée de ses Etats membres pour combattre les rebellions dans ces Etats. Exception de la République de Gambie, les
interventions militaires de la CEDEAO avaient pour but de lutter contrôle les rébellions en Afrique de l’Ouest. Jamais, la CEDEAO n’a lancé ses troupes contre un de ses Etats membres.
Dans ce sens, avant toute intervention militaire de la CEDEAO au Niger, deux questions au moins méritent de réflexions profondes.
– Quelle stratégie militaire à mettre en œuvre par la CEDEAO pour le retour de l’ex- président
nigérien au pouvoir ?
– Quelles seront les conséquences de l’intervention de l’armée de la CEDEAO au Niger ?
La stratégie militaire pour le retour de l’ex-président nigérien semble être est complexe et
incertaine, en effet, il s’agit de lutter non pas contre une rébellion, mais contre l’armée nigérienne et celle de ses pays alliés. Au cours de la confrontation, l’ex-président peut perdre la vie par le fait de l’un ou l’autre belligérant. La CEDEAO a-t-elle prévu un tel scénario ?
La décision d’engager la guerre contre un Etat pourrait avoir une pluralité de résultats à savoir :
Gagner la guerre, perdre la guerre, ou une guerre sans de vainqueur ni vaincu.
Chacune de ces hypothèses entraine des conséquences sur les belligérants.
Ensuite, telle que la situation se présente à l’heure actuelle, la réussite de l’intervention militaire de la CEDEAO au Niger signifierait la défaite non seulement de l’armée Nigérienne et sa dissolution, mais aussi celle des pays alliés du Niger.
En cas d’une victoire, peu probable, de la CEDEAO, elle serait amenée à mettre en place au moins une nouvelle armée au Niger et faire fonctionner les institutions nigériennes. Pour y parvenir, il faut combien de temps, de moyens, de stratégies et avec qui ?
Dans cette situation, l’armée de la CEDEAO serait vue par les nigériens et d’autres observateurs comme une armée d’occupation au service d’intérêts étrangers. Il est évident que l’appui de certains pays occidentaux à la CEDEAO pour faire la guerre, a nécessairement une contrepartie, au détriment non seulement de la CEDEAO, mais aussi du peuple nigérien.
Aussi, que ferait la CEDEAO dans les autres Etats membres qui ont connu de changement
anticonstitutionnel ?
A juste raison, les pays de la CEDEAO ayant connu de changement anti constitutionnel doivent prendre des décisions idoines pour contrecarrer toute éventuelle déstabilisation.
En réalité, il faut reconnaitre que l’espace de la CEDEAO devient de plus en plus une poudrière, à cause de la circulation illicite des armes entre les mains de personnes non autorisées depuis
plusieurs décennies. A cette circulation illicite des armes, s’ajoutent la pluralité de nouveaux
acteurs intervenant dans l’espace de CEDEAO ayant des objectifs différents à ceux des acteurs
traditionnels.
Donc, la règle de jeu change et évolue dans la sous-région ouest africaine en profonde mutation.
Comme si les partenaires traditionnels n’ont rien vu venir. Les fruits mûrs tombent inexorablement de l’arbre.
Ainsi, toute intervention militaire de la CEDEAO au Niger, serait comme si on tirait des obus dans une poudrière et cela pourrait avoir d’effet boomerang qui pourrait entrainer l’éclatement de la CEDEAO.
Traditionnellement, lorsque le monde était bipolaire, les questions de sécurité en Afrique de l’Ouest étaient réglées par les Etats de l’Afrique de l’Ouest et les puissances étrangères suivantes : La France, Le Portugal, La Grande Bretagne et les Etats Unis d’Amérique.
Actuellement, de nouveaux acteurs s’invitent dans les questions sécuritaires en Afrique de l’Ouest notamment : la Russie et ses alliés.
C’est pourquoi, le schéma probable de la confrontation militaire au Niger pourrait prendre la forme suivante :
– L’armée de la CEDAEO et la France avec l’appui de certains pays occidentaux ;
– Le Niger, le Burkina, le Mali, la Russie par la présence de Wagner,
– les djihadistes qui auront leur propre stratégie et objectifs ;
– éventuellement la naissance de nouveaux acteurs.
Pour ce qui concerne les conséquences de l’intervention armée au Niger, plusieurs conséquences s’interfèrent :
– La réaction imprévisible des populations frontalières Nigériennes et Nigérianes ;
– L’élargissement du terrain de la confrontation à d’autres pays frontaliers ;
– Le problème sécuritaire et mouvements de personnes dans les sept pays limitrophes du Niger ;
– La dissimulation des terroristes et djihadistes dans les mouvements de personnes entre les pays frontaliers du Niger voir ceux de la CEDEAO ;
– La probabilité de transformer le territoire Nigérian en terrain de conflit ;
– La transformation de l’espace CEDEAO en poudrière permanente ;
– L’éclatement de la CEDEAO etc.
Enfin, l’option militaire de la CEDEAO au Niger, quel que soit le résultat obtenu, n’est un moyen de transporter la confrontation Occident – Russie et alliés en Afrique de l’Ouest. Il s’agit d’Ukrenisation des pays de la CEDEAO.
Pour la résolution des problèmes constitutionnels au Niger, la diplomatie reste et demeure l’arme utile et efficace.
On commence la guerre quand on veut, et on finit la guerre quand on peut.
Dr KAKE Makanera Al-Hassan, enseignant chercheur, Université Général Lansana CONTE- Sonfonia.
drmakanera@yahoo.fr