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Immersion dans l’univers des DJ à Conakry: « On est abandonnés à nous-mêmes, aucun soutien de l’État guinéen »

« Il n’y a pas de sot métier ». C’est ce qui se  raconte souvent. Mais en Guinée, le métier de DJ, abréviation familière de Disc-jockey, va avec des contraintes et préjugés sans précédent. Alors que dans d’autres pays en Afrique et dans le monde, être Dj vaut tout son pesant d’or. Ils sont nombreux aujourd’hui ces jeunes guinéens qui épousent ce métier. Mais qui, souvent, sont confrontés à d’énormes difficultés pour joindre les deux bouts. Ils sont souvent partagés entre moqueries et critiques vis-à-vis de leurs entourages. Pourtant, c’est un métier qui contribue beaucoup à  la promotion de la musique guinéenne, disent-ils.

Parmi ceux qui excellent aujourd’hui dans ce métier en Guinée, figure le jeune Aboubacar Diallo, alias Dj Bouba.

Rencontré par notre rédaction ce mardi, 22 août 2023, cet amoureux de la musique y a raconté son rêve de gosse qui était celui de pratiquer ce métier.

« Qui parle de Dj, parle d’un animateur musical qui travaille sur les platines et qui s’adapte au goût du public. Il propose, compose et anime un programme musical à un lieu précis. Notamment dans les discothèques, les nightclub, les studios, lors des cérémonies de mariages entre autres. Mais quels effets ça fait de pratiquer ce métier en Guinée? Quand même, il ( métier de DJ) regorge assez d’avantages pour ses amoureux », témoigne d’entrée Dj Bouba.

« Ça nous donne beaucoup d’avantages liés à beaucoup de domaines. Les relations avec les artistes, les déplacements, la connaissance etc. Aussi, c’est un peu rentable. C’est vrai que le travail n’est pas rémunéré, mais on est dedans. Et grâce à ce métier, je me suis fait beaucoup de relations avec les artistes guinéens. Quand on prend la couche juvénile des artistes, les 90% presque, je travaille avec tout le monde. Spécifiquement, je travaille avec la maison « Musique sans frontières » de Azaya, pour booster ses morceaux. Mais au-delà, j’ai un bon rapport solide avec tous les artistes guinéens », a-t-il fait savoir.

Dans la pratique de ce métier qu’il qualifie de noble depuis 20 ans, notre interlocuteur laisse entendre que tout est parti d’un rêve d’enfance.

« Pour moi, c’est la passion depuis à l’enfance. Quand on calcule depuis 98, je suivais mes frères. Et après le décès de ma maman en 2001, je me suis lancé dedans définitivement dans les quartiers, les cérémonies de baptêmes, les matchs de gala, les tournois de football… J’ai rallié les boîtes de nuit à partir de 2008. Et depuis, j’étais stagiaire. À partir de 2012, j’ai commencé à travailler par contrat dans les boîtes de nuit. Ma vie, c’est cela, c’est à peu près 22 ans je suis dans Ça », explique-t-il.

Pour déconstruire les préjugés, Dj Bouba se montre comme un bel exemple.

« C’est pas un métier de voyous. C’est un métier comme tous les autres métiers. C’est un métier très très noble et riche. Aujourd’hui je suis l’exemple dans ce domaine en Guinée. Je me suis construit dans ce métier, j’ai tout eu dans ce métier. Quand vous voyez aujourd’hui ma vie, ce n’est pas autre chose, c’est dans ce métier que j’ai gagné de l’argent. Ce métier est rentable », nous informe-t-il.

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Au-delà de cette rentabilité économique, ce jeune a réussi à former autour de lui, une véritable team. Des jeunes gens avec qui il travaille et qui sont devenus sa famille.

Et malgré les quelques avantages bénéficiés durant ses longues années de dur labeur, ce professionnel des platines reconnaît que le travail rime avec des difficultés, surtout dans un pays comme la Guinée.

« Il y a plein de difficultés, surtout dans ce pays. Parce que ce travail de Dj n’est pas respecté par bon nombre de personnes. D’abord par les acteurs culturels, ensuite le ministère de tutelle ne nous considère pas. Donc, on a assez de difficultés. Même entre nous les Dj, on a plein de soucis. Regardez quand on prend l’exemple sur la crise mondiale qui vient de se passer, le coronavirus, tout le monde a eu le soutien sauf notre corporation. On n’a rien reçu, on est abandonnés à nous-mêmes, aucun soutien de l’État guinéen, ni rien. Nos voix ne passent pas, on ne nous considère pas. Les Dj ne sont pas respectés dans leur travail. Ils ne sont même pas respectés par certains artistes également », dit-il.

Pourtant, selon lui, sa corporation occupe une place de choix dans la promotion de la musique guinéenne.

« Nous sommes le numéro un normalement. Parce que quand vous voyez un artiste évoluer, quand vous voyez les musiques cartonner, c’est grâce à nous. On assure la diffusion des sons, on fait que même si un son n’est pas bon, on le fait marcher. Nous avons ce système. Notre rôle, c’est de booster les sons. Sans nous, on ne peut pas parler d’artistes. Parce que quand les artistes finissent de plaquer les sons, ils envoient les sons à notre niveau, c’est à nous en tant que bons Dj, d’analyser et catégoriser les morceaux », indique Dj Bouba, qui saisit l’opportunité pour envoyer un message aux nouvelles autorités du pays.

« Je lance un appel à toutes les bonnes volontés et aux autorités de nous venir en aide. Parce que quand on se déplace, moi j’ai eu la chance d’aller dans d’autres pays pour faire des festivals. J’ai vu comment les Dj des autres pays sont structurés et sont bien payés. Ici, les Dj ne sont pas payés et aucune condition n’est créé pour les encadrer. Si tu ne t’organises pas très bien, ça ne peut rien faire pour toi », a-t-il déploré.

Dj Bouba pour finir, sollicite la mise en place d’une école de formation pour sa corporation. A l’en croire, cela permettra de professionnaliser ce métier et inciter la nouvelle génération voulant le pratiquer à découvrir tous les secrets qui s’y trouvent, ainsi que des connaissances.

 

Cheick Fantamadi pour Siaminfos.com.

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